Citoyen

L'homme est, selon Aristote, un zoon politikon, c'est-à-dire, littéralement, un animal civique, un animal citoyen. L'adjectif politikon est dérivé du mot polis, qui signifie cité. En d'autres termes, il est, selon Aristote, dans la nature de l'homme de se comporter comme un citoyen, d'avoir pour sa cité un attachement tel qu'il exposera sa vie pour la défendre après avoir consacré une part importante de son temps à ses institutions. «Il a combattu à Marathon.» Telle est la seule inscription que l'on peut lire sur la tombe d'Eschyle, qui avait pourtant bien d'autres titres de gloire, dont celui de meilleur auteur dramatique de son époque. Rien n'illustre mieux la citoyenneté. Elle est une balance qui doit toujours pencher du côté des devoirs pour que soit assuré le respect des droits qui se trouvent sur l'autre plateau.

Dans sa recherche de la justice, qui doit être son premier souci, le citoyen est soutenu et inspiré par la philia, mot qu'utilise Aristote pour désigner l'amitié qui fait les communautés.
    La philia, quel que soit l'équivalent français adopté, c'est la réserve de chaleur humaine, d'affectivité, d'élan et de générosité (au-delà de la froide impartialité et de la stricte justice ou de l'équité) qui nourrit et stimule le compagnonnage humain au sein de la Cité: et cela à travers les fêtes, les plaisirs et les jeux comme à travers les épreuves. La philia, c'est aussi le sentiment désintéressé qui rend possible de concilier, comme le veut Aristote, la propriété privée des biens et l'usage en commun de ses fruits. (Jean-Jacques Chevalier, Histoire de la pensée politique, tome 1, Payot, Paris 1979)

On demanda un jour à Solon quelle était la ville la mieux policée: «C'est, répondit-il, celle où tous les citoyens sentent l'injure qui a été faite à l'un d'eux et en poursuivent la réparation aussi vivement que celui qui l'a reçue».

Essentiel

Dans les pensées qui suivent, Simone Weil utilise le mot grec metaxu, signifiant pont, intermédiaire, pour désigner l'ensemble de ces biens relatifs qui sont nécessaires aux êtres humains. La cité est l'un de ces biens.

«Qu'est-ce qu'il est sacrilège de détruire ? Non pas ce qui est bas, car cela n'a pas d'importance. Non pas ce qui est haut, car, le voudrait-on on ne peut pas y toucher. Les metaxu. Les metaxu sont la région du bien et du mal.

Ne priver aucun être humain de ses metaxu, c'est-à-dire de ces biens relatifs et mélangés (foyer, patrie, traditions, culture, etc.) qui réchauffent et nourrissent l'âme et sans lesquels, en dehors de la sainteté, une vie humaine n'est pas possible.

Les vrais biens terrestres sont des metaxu. On ne peut respecter ceux d'autrui que dans la mesure où l'on regarde ceux qu'on possède seulement comme des metaxu, ce qui implique qu'on est déjà en route vers le point où l'on ne peut s'en passer. Pour respecter par exemple les patries étrangères, il faut faire de sa propre patrie, non pas une idole, mais un échelon vers Dieu.»

Enjeux

Même si grecs ont prouvé que le sentiment d'appartenance à une cité était non seulement compatible avec le sens de l'universel, mais qu'il en était même la condition, les cités, et avec elles l'idée de citoyenneté, sont tombées en discrédit au IVe siècle, ce qui laissa le champ libre à l'impérialisme d'Alexandre et à celui des Romains. Le civisme, l'attachement à la polis, fut alors remplacé par le cosmopolitisme, mot qui désigne un sentiment d'appartenance consistant à reporter sur le monde (et l'humanité) un attachement dont la cité est l'objet premier.
Au cours des temps modernes, les nations se sont imposées comme premier lieu d'appartenance et comme cadres de la citoyenneté. Le discrédit dans lequel elles sont tombées au cours du XXe siècle semble s'accentuer au début du XXIe. D'où l'inquiétude que suscite cette nouvelle forme de cosmopolitisme appelée mondialisation.

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