Riz

Dans son histoire naturelle et morale de la nourriture, Maguelonne Toussaint-Samat ouvre son chapitre sur le riz en semant la zizanie. «Qu'est-ce que l'ivraie? Les Grecs appelaient zizania une graminée souvent adventice des bonnes céréales panifiables, folle avoine qui avait la réputation de provoquer précisément des troubles mentaux - ou digestifs - lorsqu'on la consommait mélangée à la farine. C'est pourquoi on devait la séparer du grain avant de le moudre.

On trouve à présent dans le commerce un « riz sauvage » qui exista de toute éternité en Amérique du Nord et qui est tout à fait délicieux. Ce « riz sauvage » n'est absolument pas un riz mais une excellente avoine des marais, zizania aquatica, que les Iroquois nommaient tuskaro et les Ojibwa manomin. La tige peut atteindre trois mètres de hauteur et se termine en une panicule munie de plusieurs petits épis lui donnant l'apparence d'un long candélabre. Cette graminée vivace pousse dans tous les marécages et bords de rivière du centre de l'Amérique du Nord.»

Selon Maguelonne Toussaint-Samat, dont le grand ouvrage est paru en 1987, la culture de la graminée appelée riz commença en Chine il y a environ 5000 ans dans le delta du Yang-tseu, mais elle était venue de l’Inde. Dans un communiqué publié en 1997, le magazine Archeology nous apprenait que la culture du riz aurait commencé en Chine il y a environ 11 500 ans, sur les bords du Yang-tseu.

«Les huit mille variétés de riz peuvent être regroupées, d'après la longueur des grains en trois classes:

- Les riz à grain rond sont presque aussi larges que longs (± 4 à 5 mm de k ± 2,5 mm d'épaisseur). Ils contiennent une forte quantité d'amidon et ont tend s'agglutiner après cuisson. (...)

- Les riz à grain demi-long sont légèrement plus longs que les riz ronds (5 à 6 Ils contiennent, eux aussi, beaucoup d'amidon, s'agglutinent à la cuisson et convienent. de préférence aux mêmes préparations que le riz rond. (...)

- Les riz à grain long (6 mm et plus) sont très minces et contiennent un autre d'amidon que le riz rond. De ce fait, les grains restent bien détachés après une cuisson convenablement conduite. (...) Plus chers que les riz demi-longs, ils ont droit à l'appellation « de luxe ». Les principaux producteurs de riz à grain long sont les États-Unis, la Thaïlande, le Surinam, Madagascar et la France (Camargue).»

Maguelonne Toussaint-Samat, Histoire naturelle et morale de la nourriture, Paris, Bordas, 1987

Enjeux

Valeur d'usage contre valeur d'échange, le faux et le vrai Basmati

En 1998, la compagnie américaine Rice Tec fit breveter, sous le nom d'American Basmati, un riz qu'elle avait produit génétiquement. Or, au pays de Ghandi, le riz du même nom, cultivé selon des méthodes traditionnelles depuis des temps immémoriaux, est l'objet d'un véritable culte, en plus d'être un produit d'exportation qui rapporte chaque année 600 millions de dollars. Hélas! les autorités indiennes avaient négligé de remplir les formalités nécessaires pour s'assurer de l'exclusivité de l'appellation Basmati. Mais à Nouvelle Delhi, siège d'un gouvernement nationaliste dont le slogan est «L'Inde d'abord», on considère la manoeuvre américaine comme une forme de néo-colonialisme. Pour madame Vandanab Shiva, prix Nobel alternatif, et l'une des leaders des écologistes activistes, le brevet américain est un triple larcin: les paysans perdent leur héritage intellectuel et agricole, les transformateurs et les exportateurs perdent leur marché, les consommateurs perdent leur confiance dans la qualité de la marque.

Les savoirs traditionnels n'ont-ils donc aucune valeur? Sont-ils condamnés à disparaître sans que, dans l'humanité qui leur doit sa survie, personne ne se dresse pour les protéger? Déjà, la révolution verte en Inde a fait disparaître plus de 30,000 espèces de riz, au profit de quelques espèces savamment étudiées, dont le rendement était supérieur. Y aura-t-il seulement un débat sur la question? Les savoirs traditionnels n'ont peut-être pas toujours permis de nourrir adéquatement toutes les populations, mais ils ont au moins à leur crédit d'avoir aidé l'humanité à atteindre son niveau de développement actuel, tout en créant de grandes civilisations sur leur parcours. Le savoir scientifique et technique apporte beaucoup à l'humanité dans l'immédiat, il promet encore plus pour l'avenir, mais il a l'inconvénient de n'avoir pas subi l'épreuve du temps.

En 2000, devant le tribunaux, le Gouvernement indien avait gain de cause contre la compagnie Rice Tec, laquelle fut contrainte à cesser de prétendre que son riz avait des caractéristiques uniques.

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