L'art naïf ou les couleurs de la vie

Hélène Laberge

« En matière d'art, l'érudition est une sorte de défaite : elle éclaire ce qui n'est point le plus délicat, elle approfondit ce qui n'est point essentiel. Elle substitue ses hypothèses à la sensation, sa mémoire prodigieuse à la présence de la merveille... Vénus changée en document. » Paul Valéry

« J'attendrai plus pour un renouveau des arts graphiques de ce qu'on appelle aujourd'hui la peinture naïve, que de toutes les recherches savantes des cubistes et des abstraits. » Claude Levi-Strauss en réponse à une enquête sur Picasso »

Prologue

-L'Éditeur : On me dit que vous m'apportez un article sur les peintres naïfs. Êtes-vous critique d'art?

-Non!

-Vous peignez vous-même peut-être?

-Hélas, non. J'échouais au cours de dessin obligatoire tant j'étais peu douée...

-Vous connaissez bien les galeries d'art?

-Seulement celles que je privilégie...

-L'éditeur ironiquement : Mais de quel droit écrivez-vous sur l'art?

-D'aucun droit sinon celui du coup de cœur, qui n'est d'ailleurs pas un droit. Si j'écris c'est pour faire jaillir mes admirations qui souffrent de rester enfermées. Je dois vous dire que j'ai aussi beaucoup fréquenté les grands musées d'Europe...

L'éditeur (à part ) Ah mon Dieu, un amateur, la pire race! À haute voix : Vous ne semblez pas suivre l'actualité artistique, je ne vois pas comment votre article pourrait intéresser nos lecteurs. À moins que vous ne le fassiez vérifier par un critique d'art. En connaissez-vous un?

-Non! C'est-à-dire oui, je me suis inspirée de plusieurs livres sur l'art naïf.

-L'Éditeur, rassuré : Ah! Des livres écrits par des spécialistes récents et reconnus?

- Certains connus, d'autres méconnus qui comme moi ont eu des coups de cœur. Mais le malheur des coups de cœur c'est qu'ils ne sont pas tendance!

-L'Éditeur : Tous ces coups de cœur m'effraient. Vous devez savoir ou du moins comprendre que l'art de la peinture est un monde d'une grande complexité et la rationalité est essentielle pour le juger, je pense surtout à l'art moderne abstrait et je doute qu'il vous soit familier... Je vous conseille donc fortement une solide révision de vos « admirations »! Un critique vous dira si l'article que vous me proposez mérite la publication. Mais je dois vous quitter, je suis un éditeur très sollicité. Croyez-moi, réfléchissez à la rationalité.

Merci. C'est tout réfléchi.

Fin du prologue! Vous aurez deviné qu'il s'agit d'une entrevue imaginaire! Mais si l'éditeur n'existe pas, les réponses correspondent tout à fait à la réalité de l'auteur de cet article.

À la découverte de l'art naïf

Le vernissage des tableaux de Solange Hubert, une amie peintre, au Musée d'art naïf de Magog, au cours de l'été 2013, a été pour moi l'occasion de me pénétrer des œuvres de ces peintres dits naïfs d'un regard calme et concentré, première condition de la connaissance qui suit le coup de cœur! Chose beaucoup plus rare qu'on ne croit, car nous nous protégeons inconsciemment contre la multitude de spectacles hétéroclites qui nous sont offerts quotidiennement en laissant glisser notre regard sur eux. Sitôt vu, sitôt oublié.

Mais à ce vernissage, la présence de Jeannine Blais,qui a créé il y a près de trente ans la Galerie d'art naïf à North Hatley disposait les invités à l'attention. Avec sa fille Mireille, elle a fortement contribué à donner ses lettres de noblesse à l'art naïf au Québec. Jeannine Blais a un sourire invitant et parle peu, mais quand on parcourt sa magnifique galerie, ses choix parlent pour elle et en disent long sur la qualité de son regard et sur la solidité de ses critères. « L'art naïf ne doit pas être confondu avec un art maladroit, dit-elle, c'est une explosion de vie, de couleurs et d'imagination. » C'est grâce à elle que des peintres québécois mais également de toutes provenances ont été connus et célébrés au Québec. Parmi ces étrangers, le Yougoslave Dragan est maintenant connu ici autant et peut-être plus qu'en France et en Europe. Richard Dubé a signé grâce à Jeannine Blais une biographie de Dragan dans une édition magnifique de ses principales œuvres. Nous y reviendrons.

 

De nombreux livres ont présenté l'art naïf et les consulter c'est découvrir que ces peintres d'abord considérés comme marginaux s'abreuvent à une source commune d'imagination et de vie. Il est impressionnant d'apprendre que la plupart d'entre eux n'ont aucune formation académique, ont aussi commencé à peindre sous une impulsion survenue tard dans leur vie et souvent après avoir fait un dur métier qui en apparence ne les destinait pas à peindre. Je dis en apparence, car tout se passe comme si la rigueur, la conscience professionnelle avec laquelle ils ont trimé se mettait tout à coup à donner vie à un imaginaire incroyable, sans doute refréné par les nécessités et les obligations de la vie quotidienne. Car, autre trait frappant : les peintres naïfs sont apparus dans une multitude de pays d'Europe et d'Amérique et l'âge ne compte pas plus que le degré de culture, le sexe, ou la condition sociale : on dénombre parmi eux des paysans, un nombre étonnant d'ouvriers, des fonctionnaires retraité(e)s etc., dont le fameux Douanier Rousseau!

Jeannine Blais et sa fille Mireille m'ont permis d'écrire cet article en me donnant accès à leur collection choisie de livres écrits par des amoureux de l'art naïf, des amoureux qui nous dévoilent de façon convaincante les raisons de leur admiration! Ces auteurs sont peu connus, sauf exception, sur la place publique. Mais chacun mérite qu'on s'y arrête et on les trouvera plus loin regroupés et commentés sous le titre de la Bibliothèque idéale de l'art naïf.

L'un d'entre eux, Robert Thilmany, a fait une Critériologie de l'Art naïf qui en révèle toutes les qualités, la richesse picturale, l'organisation originale de l'espace, l'humour, le rêve. Je vais le citer abondamment car c'est un livre de références important pour ceux qui adorent cet art. Important également pour désarçonner ceux qui le considèrent comme un mode d'expression inférieur!

« L'art naïf, écrit-il, est une recréation ingénue du réel étonnamment originale souvent, par ses trouvailles décoratives ou stylistiques et ses audacieuses manipulations du visible2. » [...] Visionnaires du quotidien, rêveurs d'une écologie idéale, ces ingénus regardent davantage avec les yeux de l'âme qu'avec ceux de la logique » 13 Thilmany les situe par rapport aux grands mouvements que furent le fauvisme et le cubisme au siècle dernier : « Le fauvisme se voulait essentiellement plastique, le cubisme conceptualisait le réel, l'expressionnisme pathétisait en cris colorés ou formes torturées. [...] L'art naïf est une façon intimiste, candide et bon enfant, une manière ingénue mais inventive d'envisager les choses sans complications cérébrales3. » [...] Dans ses plus belles manifestations, l'art naïf étonne même par ses réussites plastiques séduisantes et neuves, ayant toute la force et la profondeur d'une authentique vision artistique, tant par les résonances affectives ou existentielles qu'elles remuent que par la qualité technique qu'elles exhibent. Et si la chose est peu fréquente, elle n'en a que plus de prix4. »

Le grand collectionneur Anatole Jakovsky analyse ce qu'il appelle « la plus grande crise des valeurs esthétiques que l'Occident ait jamais connue depuis la chute de l'Empire Romain et qui est apparue en même temps que les réalisations de la révolution industrielle. » C'est au milieu du XIXe siècle que « les peintres d'avant-garde, les premiers à rompre avec avec les traditions et les conventions plastiques plusieurs fois séculaires naissent, comme par hasard, dans les limites de ces deux décennies décisives. » Suit la liste de ces peintres : Manet (1832) Degas (1834), Cézanne (1839), Monet (1840), Renoir (1841). À la même époque sont construites les premières lignes de chemin de fer français : Paris-Saint-Germain-en Laye (1837); Mulhouse-Thann (1839); Strasbourg-Bâle 1841; Paris-Rouen (1844)5. »

Et faisant allusion au peintre Rousseau, Jakovsky poursuit « dans ces temps déjà lointains, personne ne pouvait soupçonner un seul instant que les ''barbouillages'' d'un faux douanier [...] allaient valoir d'ici peu des fortunes et éclipser en un tournemain la renommée de tous les pompiers réunis de la Belle Époque [...]6. »

Un art maladroit? Chez le naïf, « la gaucherie est loin d'être la règle. Si elle existe chez certains, tel un merveilleux défi aux lois de la vraisemblance et du bon sens, où la voit-on par contre dans les admirables bouquets paradisiaques de Séraphine, les villes imaginaires de Préfète Duffaut et de Naumovski, les parterres luxuriants d'Iracema, les arborescences givrées en corail de Généralic (et celles de Dragan pourrions-nous ajouter), le graphisme buriné d'Ivan Vecenaj, les stylisations minutieuses – voulues comme telles – du grand Rousseau, les perspectives impeccables de Vieillard et de Rimbert, les intérieurs ''métaphysiques '' si scrupuleusement décrits de Micheline Boyadjian7. »

Les œuvres de ces peintres sont davantage connues en Europe, en France en particulier. Mais on pourrait appliquer les mêmes critères aux peintres de tous les pays.

Les caractères de l'art naïf

Par quoi se caractérise surtout l'art naïf? Robert Thilmany le décrit comme suit dans une approche qu'il définit avec humour comme « quelque peu raisonnée » :

L'étonnement : qu'il soit charmé, amusé, interrogatif, inquiet, curieux ou autre, paraît être le premier réflexe visuel du spectateur. Devant cet art si souvent désarmant de bonhomie, de candeur d'âme, de simplicité ingénue ou ingénieuse, de drôlerie ou de sentimentalisme attendrissant, on est avant tout étonné8. »

Le parfum d'innocence s'évente. « Car même feinte, la naïveté doit toujours donner l'impression de se prendre au sérieux. [...] les naïfs opèrent souvent de savantes manipulations du visible, à caractère ambigu, poétique, sentimental ou autre. Le dépaysement insolite ou charmeur qui en résulte peut alors se révéler d'une rare qualité. » L'auteur fait remarquer que si l'on compare « certaines œuvres bien peintes, mais sans recherche inventive, avec d'autres similaires, où les fleurs et les arbres, par exemple, s'écartent hardiment de l'imitation purement optique pour créer une vision personnelle, originale, voire insolite [...] la version inventée est nettement plus signifiante que la version conventionnelle. L'art ne supporte pas la banalité9. »

La fraîcheur d'expression : [...] celle du regard intérieur ébloui, retrouvant la virginité première des choses... leur innocence native brusquement révélée10. »

Un certain infantilisme. [...] « Le vrai naïf, le véritable spontané naturel et candide, c'est l'enfant. [...] C'est donc le règne de la spontanéité pure, avec les moyens techniques limités de l'âge et de l'inextérience. Et c'est pourquoi l'art des enfants n'a jamais produit de chefs d'oeuvre dignes de ce nom. » [...] Chez l'adulte, l'art est toujours plus ou moins dirigé et calculé. [...] sous son apparente désinvolture (l'art naïf) témoigne de conventions techniques et optiques nettement élaborées, empruntant délibérément une formulation expressive, allégorique, existentielle, commémorative, symbolique ou autre. [...] Les recherches de symétrie, de rythmes par répétitions, festons ou moutonnements ou par arrabesques florales impliquent une volonté de structuration et d'harmonie visuelle unifiante dont ni l'enfant, ni l'amateur peu évolué ne s'embarrassent guère. Et le choix des sujets naïfs, notamment, comme celui de leurs couleurs, se rattache souvent à un symbolisme mental qu'ignore l'enfant11. »

Le figé naïf. « [...] l'art des enfants se transforme avec l'âge. Celui des naïfs semble au contraire figé dans une fixation assez définitive, tant mentale que technique. » Thilmany souligne aussi l'indifférence de l'enfant pour la finition des détails alors que chez les naïfs « la minutie frise parfois la méticulosité, sans toutefois constituer la règle12. »

L'insuffisance technique : « Enfants et naïfs ont en commun la même insuffisance de maîtrise technique, surtout dans les perspectives et les proportions[...] Mais l'auteur fait remarquer que les peintres ''normaux'' modernes déforment et faussent, eux aussi allègrement les anatomies, les perspectives, les couleurs et les formes13. »

La gaucherie des naïfs « fort séduisante et très souvent jugée essentielle, ne suffit cependant pas à elle seule, [...] elle doit toujours se faire pardonner par la poésie [...]14. »

La qualité picturale : « lorsqu'elle est exceptionnelle, vient parfois sauver un manque d'habileté trop flagrant. [...] Faut-il rappeler cependant que les plus belles réussites combinent généralement à la fois la vision et le métier?15. »

La non-historicité : En exceptant Rousseau qui avouait « s'être perfectionné de plus en plus dans le genre original qu'il a adopté », Thilmany souligne « l'aspect fermé, schizoïde, fréquent dans l'art des grands naïfs et qui est aussi sa faiblesse : hors des règles et du temps le plus souvent, la logique de nos ingénus semble être de ne pas en avoir, si ce n'est celle de la poésie-émotion, de l'image-rêve, du paysage-évocation, de l'objet-apparition, de l'événement-souvenir ou du jeu-sentiment. » Être en dehors de toute influence et suivre sa propre singularité, c'est en revanche la force du naïf. Cette originalité peut le hisser «au niveau des réussites artistiques significatives, [...] Mais on comprend aussi pourquoi ce miracle est assez peu fréquent16. »

La stylisation. Elle est, nous dit Thilmany, « un procédé merveilleux, s'accordant parfaitement à leur fixisme ( à un autre endroit il parle de leur autisme) pour servir leur besoin de transcender le motif. » Le grand naïf n'imite pas, « son œuvre se situe bien au-delà d'un imitatif plus ou moins réussi...

Toujours se perçoit une volonté soit d'embellissement : poétique, décoratif, idéaliste ou autre [...]; soit de signification : expressionniste, sentimentale, commémorative, festive, religieuse, etc. [...]); soit de sublimation : visionnaire, symbolique, mystique, etc.17.»

L'auteur souligne d'autres critères dont la simplification « dont se sert d'instinct le naïf. » L'aspect conteur , les évocations pittoresques des travaux champêtres, des plaisirs bucoliques ou populaires , la solennisation – cocasse à force de sérieux – des grands moments de la vie. La perspective mentale : celle (...) des fleurs plus grandes que des arbres ou des maisons, un chat plus petit qu'un oiseau, une corbeille de fruits plus grosse que les montagnes environnantes. » [...] Ces trouvailles sont bien trop ingénieuses souvent, pour n'être qu'ingénues... [...] On ne doit pas sentir le procédé, elles doivent être sublimées par l'angélisme, la poésie, l'invention, l'effet de surprise, etc.18. »

L'idéalisation : Thilmany la distingue de la stylisation. « Mais que les deux coïncident et se combinent, et cela peut produire des merveilles. » Et il se fait poète en évoquant la représentation « des êtres intemporels (anges, personnages éthérés, etc.). [...] Frêles apparitions aux guipures légères, êtes-vous les fantômes d'un passé lancinant ou l'émoi contenu d'espérances toujours vives?19. »

« À l'abri de leurs conventions plastiques, les naïfs affrontent sereinement l'invraisemblable, défient candidement la logique, subliment le quotidien ou poétisent le banal. » 31 Mais ils ont aussi une vision ontique, c'est peut-être le mystère existentiel des choses qui captive et enchante surtout les naïfs. » La vision de ces imagiers de l'imaginaire « est éminemment subjective même quand elle se veut imitative. Mais il arrive que leur imaginaire dépasse l'imaginable, tombe dans le fantastique, le merveilleux ou l'insolite, et les rapproche ainsi (involontairement) des surréalistes...20. »

La bibliothèque idéale de Jeannine Blais

J'ai consulté tous les livres représentant la somme des découvertes de Jeannine Blais et de Mireille et je l'ai fait avec un intérêt passionné. Mon seul regret est d'avoir dû limiter mes commentaires. D'autres peintres que ceux que j'ai cités méritaient une présentation. Mes coups de cœur ont évidemment influencé mes choix!

1. Jean-Marie Drot, Voyage au pays des naïfs, Vignettes d'Aleco Fassianos, Hatier Éditions S.A., 1986. Livre passionnant par la diversité des peintres et des tableaux représentés. L'auteur qui a fait plusieurs fois le tour du monde a rencontré dans divers pays de nombreux peintres d'où des entrevues uniques sur leur origine et leur créativité, surgie d'un imaginaire restée éblouissant sous la carapace grise et lourde du gagne-pain quotidien. Car ces peintres sont pour la plupart autodidactes et ont fait tous les métiers possibles. C'est le plus souvent à leur retour d'âge, pour ainsi dire, hommes ou femmes, qu'est née ou qu'a enfin pu s'exprimer leur impulsion à peindre. Quelques noms : en Haïti, les André Normil, Jasmin Joseph, Murat Saint-Vil. En Yougoslavie, le grand Generalic mais d'autres aussi remarquables, Ivan Vecenaj, Lascovic, Kovacic. Sans oublier en France le chef de file Rousseau, Aristide Caillaud, Jean Eve, André Bauchant... et tant d'autres à travers le monde.. .

Jean-Marie Drot a aussi tourné plusieurs films dont Les heures chaudes de Montparnasse, et Le musée imaginaire d'André Malraux. Une suggestion destinée à TV5 ou à la SRC. Pourquoi ne pas faire revivre ces films et également sa longue série de treize émissions à la Télévision française consacrée aux peintres naïfs, à ces « peintres-enchanteurs » comme il les a surnommés?

2.Dans L'arbre et les naïfs (Éditions Max Fourny Art et Industrie, 18, rue Molière -75001 Paris, 1990) Jacques Brosse nous fait découvrir « le plus universel des symboles » l'arbre tel que représenté par une panoplie de peintres féminins autant que masculins de toutes nationalités. Une merveilleuse fraîcheur. On ne se lasse pas de feuilleter ce livre et de s'attarder longuement à chaque reproduction. Des Québécoises y figurent, Geneviève Jost, Marie Gélinas et Cécile Émond.

3. Musée international d'art naïf Anatole Jakovsky, (Copyright by Direction des Musées de Nice, 1982). Il s'agit du catalogue de la collection offerte par Jakovsky qui est à l'origine de ce musée. On y trouve la liste des peintres, leur provenance et la date de leur naissance et de leur mort s'il y a lieu. Chaque toile est décrite et commentée. Les reproductions sont en couleurs ou en noir et blanc. Le collectionneur et mécène Jakovsky a été toute sa vie un grand chasseur des œuvres de cet art dit naïf dont de nombreux tableaux sont aussi des chefs-d’œuvre. C'est grâce au don qu'il a fait de sa collection personnelle qu'a été créé le musée de Nice qui porte son nom.

4. Anatole Jakovski est aussi l'auteur de Les peintres naïfs, édité par la Bibliothèque des Arts, 27 rue d'Assas, Paris 75006, en 1956. On y trouve entre autres plusieurs photographies et biographies des peintres, dont celle de Rousseau et cette description du grand peintre naïf : « Mais quel regard que celui de Rousseau! Ce regard profond, ce regard bienveillant et rêveur où passent et repassent ses visions ingénues...»

5. Albert Dasnoy, Exégèse de la peinture naïve,(Éditions Laconti Bruxelles). « Le premier problème que pose à la critique l'art naïf dans le sens particulier où on l'entend aujourd'hui est un problème de vocabulaire, c'est-à-dire de définition. » C'est à la solution de ce problème que s'emploie l'auteur et pour ce faire, il remonte le temps à la découverte de la ''naïveté'' dans l'art des civilisations anciennes, et éclaire l'art actuel dans une recherche très documentée et illustrée par de nombreuses œuvres.

6. Nathalia Brodskaïa (Parkstone Press, USA 2000) qui est depuis 1961 (l'est-elle encore?) conservateur au Musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg nous révèle l'art roumain et russe dans son livre L'Art naïf. Anecdote intéressante : on y apprend que le géorgien Niko Pirosmani fut découvert en 1912 à Tbilissi par le poète Ilia et le peintre Kiril Zdanevitch qui admirèrent l'enseigne d'une auberge et trouvèrent à l'intérieur les œuvres de Pirosmani : « Devant nos yeux, une peinture que nous n'avions vue nulle part ailleurs. » Brodskaia a aussi reproduit un remarquable portrait d'un vieillard peint par Boris Koustodiev. Ainsi qu'une toile adorable de fraîcheur du roumain Mihail Dascalu (Resita, département de Caras Severin). Elle a également consacré ses recherches aux Peintres français du début du XXe siècle et à l'Art moderne suisse.

7. On trouve dans Les Peintres naïfs ces « illuminés de l'instinct » comme les appelle l'auteur Madeleine Gavelle (E.P.I. Éditions Filipaccki, 1977) un florilège biographique de peintres connus et moins connus : belles reproductions des yougoslaves Laskovic, Kovacic, Naumovski, Skurjeni, le très original Bahunek,etc. et d'une Française Dominique Sellier, laquelle a exposé très jeune (elle peint depuis l'âge de 15 ans) en Italie, aux États-Unis, en Israël ainsi qu'au Vézinet aux côtés de Bauchant, Blondel, Caillaud, Séraphine. Beaux textes de présentation, dont celui du Salon de 1846 à Paris : «[...] la naïveté, qui est la domination du tempérament dans la manière, est un privilège divin, dont presque tous sont privés. »

8. Guy Boulizon, Yvon Daigle et Anne-Marie Bost nous posent une question : Naïfs...ces peintres du Québec et de l'Acadie? (Éditions du Trécarré, 1989). Jeannine Blais signe le prologue de ce livre : « Pour écrire sur l'art naïf, il faut du courage. Car l'art naïf au Québec est un art méconnu, mal connu, méprisé parfois. » Près de 25 ans plus tard, la magnifique Galerie d'art naïf de North Hatley de Jeannine Blais et de sa fille Mireille ainsi que la création récente à Magog d'un Musée de cet art sont la preuve qu'il a maintenant acquis la réputation qu'il mérite, grâce au courage et à la persévérance de quelques pionniers. De nombreux peintres sont présentés dans ce livre, des connus : les Blanche Bolduc, Marcelle Bouchard, Arthur Villeneuve, Jacques Barbeau, Guy Boulizon, Anne-Marie Bost, d'autres à découvrir :Marie Gélinas-Mercier, Nérée DeGrâce, Camille Cormier, etc. Également, une chronologie sommaire de l'histoire de l'art naïf depuis le début du (XXe) siècle, sous la direction de Guy Boulizon avec la collaboration de Yvon Daigle et d'Anne-Marie.Bost.

9. Un autre livre, exceptionnel, de Richard Dubé sur le peintre yougoslave Dragan a été édité par la Galerie Jeannine Blais en 1995. Découvertes à Paris, les œuvres de Dragan Mihailovic ont passionné Jeannine Blais. Elles font partie de la collection de sa Galerie. Quant à Richard Dubé, il était alors directeur du service des collections du Musée de la Civilisation de Québec. Il a publié plusieurs livres dont L'univers de Ginet Leblond dont plusieurs œuvres sont exposées au Musée Place royale à Québec.

Je m'inscris en faux contre ceux qui accusent Ginet Leblond, cette remarquable peintre, d'avoir copié les peintres québécois fin XIXe, début XXe siècle. Comme eux elle s'est inspirée des traditions du monde rural mais selon sa vision particulière. Elle a toutes les qualités du vrai peintre, celui qui sait voir, recréer et organiser la vie dans son passé le plus représentatif. Quelle maîtrise de chaque sujet depuis la palette des couleurs, l'encadrement souple et sans dérive, la lumière de toutes les saisons, une lumière qui évoque irrésistiblement celle des peintres flamands mais surtout, notre lumière nordique à nous, si variée même au cœur de l'hiver. Le découpage parfait des objets, des êtres, des maisons, des églises mais un découpage tel qu'il laisse passer le rêve, la paix, l'intemporalité en même temps que la tradition très précise qui est évoquée. Chez Richard Dubé, j'ai admiré la saine rationalité qui a présidé à la présentation des œuvres, leur classement si juste, la beauté des titres manuscrits, la présentation de chaque tableau, le magnifique fil conducteur de l'histoire et de l'ethnologie de Québec, leur description dans un style si souple, si français et jaillissant d'une attention parfaite à tout ce qui fait la valeur de chaque œuvre.

10. Peut-on classer Geneviève Jost parmi les peintres naïfs? Elle a comme les meilleurs d'entre eux cette inimitable fraîcheur des thèmes peints, l'éclat et l'harmonie des couleurs, et surtout ce quelque chose d'unique qui est la marque d'identité d'un peintre. L'adorable légende bretonne d'Angèle Delaunois, illustrée par Geneviève Jost dans Coquillage (Éditions de l'Isatis, www.editions de lisatis.com), n'est-elle pas une recréation des enluminures du Moyen-Âge, mais avec des costumes allégés, aux lignes parfaites et aux couleurs merveilleusement définies dans des paysages ou des architectures évoquant des lieux inconnus ayant pour effet d'éveiller des réminiscences qui font rêver.

Liste des tabeaux, gracieuseté de la Galerie Jeannine Blais

Dans l'ordre, de haut en bas:

Naisi LeBaron, Québec
Taking The Veil

Dragan Mihailovic, Serbie
Le vent est calme, le voyage sera bon

Solange Hubert, Québec
La chorale de Noël, place Jacques-Cartier, à Montréal

Royal Léger, Québec
Les trois pommiers

Luce Fourmaux, France
Le retour au Mas

Yves du Poirier, Québec
Louis Cyr

Mihai Vintila, Roumanie
La pêche au gros...

Sophie Lavigne Uberti,
La magnifique ballade d'automne

Yvon Daigle, Québec
La joueuse de bingo

Geneviève Jost, Québec
Children in blue

 

NOTES

1. Cité in Musée d'art naïf, Anatole Jakovsky, Copyright 1982 by Direction des Musées de Nice, p. 37.[1]

2. Robert Thilmany, Critériologie de l'Art naïf, Éd. Max Fourny Art et Industrie, Paris, 984. p. 22.

3. Ibidem, p.13.

4. Ibidem, p.14.

5. Anatole Jakovsky, Copyright by Direction des Musées de Nice, 1982, p.31.

6. Ibidem, p. 31

7. Robert Thilmany, Critériologie de l'Art naïf p. 14

8. Ibidem, p.25

9. Ibidem, p. 26

10. Ibidem, p.26

11. Ibidem, p.27

12. Ibidem, p.27

13. Ibidem, p.27

14. Ibidem, p.28

15. Ibidem, p.28

16. Ibidem, p.29

17. Ibidem, p.29

18. Ibidem, p.29,30

19. Ibidem, p. 30,31

20. Ibidem, p.31,32

 

 


 

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