Caractérologie de René Le Senne

 Pour Ludwig Klages, par exemple, le caractère, objet de la caractérologie, s'étend à la personnalité entière. Le Senne en a une conception restreinte: «au cours de cet ouvrage, caractère signifiera l’ensemble des dispositions congénitales qui forme le squelette mental d’un homme.»

Les trois propriétés constitutives sont l’émotivité, l’activité et le retentissement (fonction primaire ou secondaire des représenta­tions) ; elles forment en se composant 2³ = 8 types, qui doivent recevoir chacun une formule et un nom, auxquels nous ajouterons une illustration. Les voici :

Nerveux: Émotifs‑inactifs‑primaires/ EnAP/ex. Byron

Sentimentaux: Émotifs-inactifs-secondaires/ EnAS/Amiel

Colériques: Émotifs-actifs-primaires/EAP/Danton

Passionnés: Émotifs-actifs-secondaires/EAS/Napoléon

Sanguins:Non-émotifs‑actifs-primaires/nEAP/Bacon

Flegmatiques:Non-émotifs-actifs-secondaires/nEnAS/Kant

Amorphes: Non-émotifs-inactifs-primaires/nEnAP/Louis XV

Apathiques:Non-émotifs-inactifs-secondaires/nEnAS/ Louis XVI

Définition de l’émotivité. — Par cette notion caractérolo­gique d’émotivité est pensé ce trait général de notre vie mentale qu’aucun événement subi par nous comme contenu d’une percep­tion ou d’une pensée ne peut se produire sans nous émouvoir à quelque degré c’est‑à‑dire sans provoquer dans notre vie organique et psychologique un ébranlement plus ou moins fort. L’événement agit comme un agent de déflagration ; une quantité plus ou moins grande d’énergie, antérieurement en réserve dans notre organisme, est libérée, cinétisée de sorte qu’il en suivra, de façon intense ou faible, momentanée ou durable, soit des effets viscéraux, condi­tionnant un accroissement de la conscience de l’émotion, soit une réaction sur le monde extérieur au corps. L’émotivité est ainsi d’essence psycho‑énergétique et généralement les émotifs se distin­gueront des non‑émotifs par l’intensité de leurs manifestations ou de leurs actions.

Définition de l’activité. — Malgré l’ambivalence de l’émotivité dont nous venons de voir qu’elle est susceptible de se distribuer en tendance et en émotion, la notion qu’elle tient de son essence énergétique ne prête pas à confusion. Il n’en serait pas de même de l’activité si l’on ne précisait en quel sens la caractérologie doit prendre cette notion.
Pour obtenir cette précision nécessaire il est indispensable de distinguer entre l’activité que nous appellerons manifestée, appa­rente et l’activité à laquelle, pour éviter toute influence d’idées étrangères, nous réserverons le nom d’activité caractérologique. Un homme peut en effet se dépenser en une succession rapide d’actions pour deux raisons différentes, l’une l’émotivité, indépen­dante de l’activité réelle, l’autre provenant directement de l’acti­vité. Dans les deux cas il sera dit à première vue actif. Mais il ne le sera pourtant pas si ses actions résultent uniquement d’une pro­vocation exercée du dehors et s’il est fortement émotif. Ce sera un faux actif. Que l’on imagine par exemple un homme poursuivi par un fer rouge, un bâton enflammé, il recule et s’enfuit, qu’il soit actif ou inactif. Que de même un homme soit très émotif, que particulièrement il réagisse vivement à tous les événements au cours de leur succession, la suite des émotions qu’il éprouve doit le faire réagir, donc agir, de façon répétée. Il paraît actif : tout ce qui est certain, c’est qu’il est émotif. En voici maintenant un autre qui, par suite de la systématisation de ses idées, concentre son acti­vité sur une fin éloignée, il semblera moins actif que méditatif, il peut l’être au plus haut degré.

Définition du retentissement, de la primarité et de la secondarité
Voici ce que, d’accord avec les caractérologues hollandais et en faisant abstraction de son substrat physiologique qui en tant que tel n’intéresse pas la caractérologie, les significations dans lesquelles seront pris dans ce qui suit les mots de retentissement, de fonction primaire ou secondaire des représentations, de primarité et de secondarité.
Tout d’un coup une représentation, par exemple perceptive, s’impose à l’attention d’un homme. Ainsi un professeur, parlant devant un auditoire, aperçoit une pendule, marquant telle heure, sur le mur de la salle où il parle. Cette perception produit dans son corps et son esprit un premier groupe d’effets pendant tout le temps qu’elle occupe sa conscience : le professeur énonce mentalement l’heure qu’il lit sur la pendule, réfléchit plus ou moins claire­ment au temps qui lui reste. Tous les effets produits par la repré­sentation de la pendule pendant qu’elle occupe la conscience claire constituent le premier retentissement, la fonction primaire de la représentation. — Mais ces effets ne sont pas les seuls que la perception initiale doive engendrer. Une fois la perception sortie de la conscience claire, tombée dans la subconscience, elle continue, et peut‑être pendant des années, à produire d’autres effets. Par exemple le professeur qui a lu l’heure sur la pendule parlera éven­tuellement plus vite qu’il n’aurait fait si l’heure avait été moins avancée, mais sans le faire intentionnellement ; et à l’avenir il se fera des programmes de leçons moins chargés par l’effet prolongé d’une expérience de plus en plus reculée dans son passé. Tous les effets produits par une représentation après qu’elle a cessé de se trouver dans le champ de la conscience claire constituent le second retentissement, la fonction secondaire de la représentation.

Ce sont là des extraits du Traité de caractérologie de René Lesenne, disponible en version numérique libre de droits.

 

 

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