Pour une psychanalyse de la démocratie

Heinz Weinmann

La démagogie est-elle le seul destin de la démocratie?

Der Apfel fâllt nicht weit vora Stamm.

  • Proverbe allemand.

    Le chef est l'image du père, le peuple est l'image des enfants, et tous étant nés égaux et libres n'aliènent leur liberté que pour leur utilité.
    J.-J. ROUSSEAU, Du contrat social.

    Plus grande est la foule,
    Plus aveugle est son coeur.
    PINDARE, Néméenne VII, 24.

    La démocratie est le pire des régimes
    politiques à l'exception de tous les autres.
    Winston CHURCHILL.

    Aux centres nous alimenterons la plus cynique prostitution. Nous massacrerons les révoltes logiques.
    A. RiMBAUD, "Démocratie", Illuminations.

    Tel père tel fils
    Où et quand commence la démocratie? À en croire Freud, le premier acte démocratique fut le meurtre du père primitif. Acte donc éminemment négatif, d'envie, de convoitise. Les fils de la "horde primitive" convoitent le monopole de la procréation, expression par excellence du pouvoir, que détient seul le père. Eliminer, tuer le père, c'est faire accéder le groupe, la totalité de ses membres, aux privilèges procréateurs du père, qui, de ce fait, se " démocratisent ".1 Les fils alors forment une "fraternité", sorte de pacte de solidarité entre frères, c'est-à-dire entre égaux,2 qui vise essentiellement à éviter un semblable assassinat de l'un d'eux par un autre frère.3 Ainsi donc, le résultat le plus clair de cette "égalité démocratique"' de tous les membres du clan est qu'elle répartit sur tous un privilège/monopole (et qui de ce fait disparaît), dont auparavant un seul jouissait.

    Fiction intéressante que celle de Freud,5 puisqu'elle postule un seul père, qui, autoritairement et jalousement, monopolise les pouvoirs créateurs, et qui doit être éliminé d'abord avant que les fils n'y accèdent, comme si, tout naturellement un jour, les fils ne pouvaient devenir pères. Lorsqu'on se place, comme Freud, du côté d'Oedipe, aucun luxe d'imagination n'est trop grand pour justifier, pour légaliser le meurtre du père. Meurtre rituel qui prend l'allure d'une rédemption collective. La faute d'Oedipe est absoute par le collectif, le démos. Même plus besoin d'exagérer l'égoïsme tyrannique de l'autocratie paternelle: d'emblée les fils font figure de libérateurs, de rédempteurs. Ce qui justifie à leurs yeux ce geste criminel, ce qui finalement le légalise, c'est que ce pouvoir paternel n'est pas revendiqué par un seul, mais qu'il est partagé de façon égalitaire, démocratiquement. En suivant Freud jusque-là, rien ne nous empêche d'aller encore plus loin, en généralisant: tout partage démocratique entre fils présuppose et camoufle en même temps le meurtre d'un père, sous la forme atténuée du souvenir refoulé d'un pouvoir autocratique antérieur. Le Spectre du père assassiné, tel celui de Hamlet, ne cesse de hanter périodiquement l'imaginaire de nos démocraties...

    La fiction freudienne du père originel (Urvater), qui trouve d'ailleurs son pendant exact dans cette autre fiction, qu'est l'égalité mathématique des fils qui se fondent dans une masse indistincte, agissant comme un seul homme, cette fiction donc est révélatrice de la conception qu'a Freud à la fois de la paternité et de la démocratie. Les deux vont d'ailleurs toujours de paire. Face à un père tyrannique, intraitable, qui se double religieusement de Jahvé, Dieu autocratique de l'Ancien Testament, le pouvoir démocratique des fils n'est pensable qu 'à travers la suppression pure et simple du père. Freud a-t-il raison d'opposer, jusqu'à l'exclusion mutuelle, pouvoir paternel et pouvoir démocratique des fils ? Ou la démocratie ne serait-elle pas d'abord le reflet de l'image que les fils projettent du père? A père omnipotent et tyrannique, fraternité tyrannique qui, en supprimant la présence du père, ne fait que se substituer, dans sa totalité, à la tyrannie du père. À l'opposé, à père absent, des fils qui, fantômatiquement, "produisent" des pères de substitution. En effet, lorsque, par un processus de démocratisation, père et fils se sont rapprochés, se sont égalisés, dans ce vide laissé par le père, les fils "procréent", projettent leurs propres pères. Pères d'élection évidemment.

    Ces deux espaces paradigmatiques extrêmes de la démocratie (père omniprésent/père absent) en renferment un troisième, central, où un "fils", médiateur entre le père et les fils, assure la relève démocratique des fils à côté du père. Le Christ et Prométhée en sont les exemples les plus éclatants. Le premier, homme-Dieu, assis à la droite du Père (et non " à la place du père", comme l'affirme Freud)6 répand généreusement parmi toute l'humanité la grâce que, jusque-là, un seul peuple, à l'image du Dieu Jahvé, accaparait monopolistiquement. Grâce à l'intervention de Jésus, "la religion des fils peut prendre la relève de la religion du père".7

    De son côté, Prométhée, dieu lui-même, appartenant à la même génération des Kronides que Zeus, le père suprême, arrache le feu, monopole divin par excellence, pour le disséminer démocratiquement parmi les hommes. Tous les deux, Jésus et Prométhée, font accéder tous les hommes à un privilège (feu/grâce), mesquinement gardé par la divinité. Comment ne pas voir en eux les premiers martyrs de la démocratie? En payant de leur personne, ils distribuent parmi les hommes des privilèges que les "éphémères" n'auraient pu obtenir qu'au terme d'un affrontement meurtrier. Grâce à ces deux médiateurs, le pouvoir démocratique des fils a pu s'installer à côté du pouvoir paternel, sans l'éviction du père. Le processus démocratique, qu'est-ce sinon le pouvoir des fils devenu compatible avec celui du père?

    Prométhée démocrate: de la création à la pro-création
    "J'ai capté dans le creux de la tige d'une férule, après l'avoir volée, la semence du feu qui est pour les hommes la maîtresse de tout art et une ressource sans prix. Voilà le crime dont je paie le châtiment, cloué en ces liens face au ciel".8 Plein d'amertume et ironique en même temps, Prométhée "crucifié" s'indigne de ce que Zeus, le père souverain, punit le bienfait prodigué aux hommes comme un "crime". Quel est au juste le crime de Prométhée? "Pouvoir", l'émissaire de Zeus, l'énonce on ne peut plus clairement au début du Prologue: "Qu'il (Prométhée) apprenne à se résigner à la souveraineté de Zeus et à cesser de marquer de l'intérêt aux hommes".9 Autrement dit, le crime de Prométhée, c'est d'avoir diminué, affaibli le monopole de Zeus, père souverain. "Mais désobéir aux ordres d'un père, est-ce possible et cela ne t'effraie-t-il pas davantage?"10 demande "Pouvoir", étonné devant tant d'obstination de la part de Prométhée.

    En arrachant à Zeus le secret du feu et en le livrant aux hommes, Prométhée le partage avec les "éphémères". Ce feu, Prométhée, le capte dans le "creux d'une férule", dans une, dans sa verge. Bien sûr, les hellénistes nous disent que cette "férule" n'est autre que le "narthex" de la famille des fenouils, dont la tige contient une moelle épaisse qui, desséchée, prend feu et se consume lentement. Le "narthex" est donc idéal pour la conservation et le transport du feu.

    Mais une telle explication utilitaire oublie trop facilement qu'ustensilité et symbolique, loin de s'exclure, se renforcent mutuellement par un rapport dialectique. Ainsi le soc et le sillon tirent-ils leur force "réelle" de leur puissance symbolique sexuelle. De même, si le "narthex", tige d'une férule, frappe l'imaginaire, ce n'est pas parce qu'il est le mode de transmission du feu le plus répandu en Grèce antique; au contraire, ce mode de transmission est si répandu parce qu'il a déjà son point de fixation symbolique dans l'imaginaire. Pourquoi aussi tous les récits de l'invention du feu des primitifs insistent-ils invariablement sur le frottement de deux bois d'espèce différente, mâle et femelle?11 Non pas parce que c'est la manière la plus efficace de produire le feu, mais parce que "l'amour est la première hypothèse scientifique pour la reproduction objective du feu ".12 Bachelard scientifique et poète, avec la fougue qu'on lui connaît, toute sa vie, a combattu ces explications platement utilitaires qui, pendant plus de cent ans, se vendaient sous le label "sciences". L'homme n'est pas un être de besoin, mais un être de désir. Lewis Mumford l'a rappelé magistralement après Bachelard dans son Mythe de la machine.

    Eschyle, comme pour rendre visible cette logique du symbolique, précise que la "férule" de Prométhée a disséminé parmi les hommes la "semence du feu qui est pour les hommes la maîtresse de tout art et ressource sans prix." Mais comment la symbolique sexuelle du feu (férule/semence du feu) est-elle compatible avec l'idée que ce feu est loué principalement comme étant la "maîtresse de tout art?" Prométhée insiste sur le fait que la totalité des arts et techniques découle du larcin du feu. Après avoir longuement énuméré tous les arts et toutes les techniques dont il a été l'inventeur,13 le titan pérore: "tous les arts viennent aux mortels de Prométhée".14 Prométhée en communiquant aux hommes le feu, leur communique en même temps la techné par excellence, celle de la production du feu, "maîtresse de tout art", première technique sans laquelle les autres ne sauraient exister. Or, la techné de la production du feu imite précisément la techné du feu sexuel de la reproduction. Prométhée, par son "vol du feu", fait participer l'homme du divin: il arrache à Dieu le monopole de la création, en la "démocratisant" grâce à la pro-création. Le Protagoras de Platon est très net là-dessus. "Par ce larcin l'homme acquit le moyen de vivre ... désormais l'homme participera à la condition des dieux".15 L'homo procreator, qui se "fabrique" ainsi tout seul, appelle donc logiquement l'homo faber qui, à l'aide des arts et des techniques, tel un démiurge, fabrique tout un nouveau monde d'objets, d'outils et de machines. Homo procreator et homo faber, c'est cela que l'étincelle de Prométhée contient en germe.

    Le "crime" de Prométhée se précise donc maintenant. il annexe au domaine humain et "vulgarise" un monopole, le monopole divin par excellence: la création.16 Le destin de l'homme ne dépend plus des volontés d'un dieu capricieux. L'acte de Prométhée justement fait échec au dessein funeste de Zeus qui "voulait anéantir la race entière pour en créer une nouvelle"." Dorénavant, l'homme, possédant la maîtrise de tous les arts, sera le maître également de sa race: il procréera sans l'aide d'un dieu.
    La procréation étant un acte de hybris, de défi aux dieux, trop terrible, elle s'expliquera alors après coup (Freud, très utilement, a ouvert cette catégorie de l'"après coup") comme un châtiment des dieux. Textes saints et mystiques concordent: "Tu enfanteras dans la douleur". Chez Hésiode, Pandore, l'Eve grecque, cette "belle calamité", est le châtiment que Zeus envoie aux hommes en réponse au défi de Prométhée, complice des hommes. Au "travail" de l'enfantement de la femme correspond dorénavant, du côté de l'homme, le travail (ergon) de la terre. Terre où l'homme enfoncera le soc pour ensemencer, comme il doit labourer le ventre (gaster) de la femme pour y enfouir, avec son narthex/phallus, la semence (sperma) de son feu.18

    La boîte de Pandore, qui contient tous les maux et qui les répand parmi les hommes, est la réplique féminine au feu disséminé de Prométhée. Feu disséminé, essentiellement mâle, puisqu'il émane de cette source unique qu'est le Père souverain. Feu arraché au pouvoir paternel central, feu multiplié, fractionné, il symbolise ce pouvoir partagé démocratiquement entre les fils, l'isonomia.19 Feu mâle, pouvoir démocratique mâle donc. Tout naturellement, les premières démocraties antiques et modernes n'ont donné droit de vote qu'aux hommes.

    Les voix de la démocratie
    Le lien que nous avons établi entre la dissémination du feu et le pouvoir de Zeus disséminé, démocratisé parmi les fils de la terre, n'est pas arbitraire. Il est corroboré largement par cette autre source antique de Prométhée qu'est le Protagoras de Platon. L'idéal démocratique préconisé par le sophiste est aux antipodes de celui de Platon. Aussi les railleries et les feintes de Socrate dépassent-elles ici la mesure des autres dialogues platoniciens.20

    Comme dans toutes les variantes du mythe de Prométhée, il est encore question ici de partage. Epiméthée l' "irréfléchi", frère de Prométhée le "prévoyant", chargé de la distribution des qualités parmi les créatures de la terre, s'aperçoit avec stupeur, lorsque arrive le tour de l'homme, qu'il a déjà tout distribué et qu'il ne lui reste plus rien pour lui. "Alors Prométhée, ne sachant qu'imaginer pour donner à l'homme le moyen de se conserver, vole à Héphaistos et Athéna la connaissance des arts avec le feu; car, sans le feu, la connaissance des arts était impossible et inutile; et il en fait présent à l'homme."21 Encore une fois, la conservation, la survie autonome (par la procréation) de l'homme dépend du larcin du feu par Prométhée. Comme chez Eschyle, feu et technique sont synonymes. Sauf que dans Protagoras l'idée de techné semble l'emporter sur celle du feu. Aussi, logiquement, puisqu'il ne s'agit pas avant tout de feu, mais d'arts et de techniques, Prométhée ne vole-t-il pas Zeus, mais Héphaistos, l'habile marteleur du ciel.

    Est-ce à dire que, cette fois, le monopole du pouvoir souverain du père n'est pas en cause, que les fils se partagent le feu pour ainsi dire par la bande, sans que Zeus ne réagisse, sans qu'il n'intervienne? Aucunement. Pour Protagoras, feu et technique sont, il est vrai, des éléments vitaux qui assurent la survie de l'homme, mais point essentiels, pour la Grèce du Ve siècle, s'entend. L'essentiel ici, aussitôt frappé par l'interdît de Zeus, c'est une technique particulière, spécifique, la politiké techné, la science politique, l'art de vivre dans la polis.22 "L'homme eut ainsi (grâce au feu et grâce à la technique) la science propre à conserver la vie; mais il n'avait pas la science politique; celle-ci se trouvait chez Zeus et Prométhée n'avait plus le temps de pénétrer dans l'acropole que Zeus habite et où veillent d'ailleurs des gardes redoutables".23 En fin de compte, la politiké techné, l'art du gouvernement, s'avère être aussi vitale que la techné du feu, car sans elle, les hommes, s'entre-tuant dans des querelles et des guerres, iraient à leur perte. Malgré le don du feu, la race humaine est donc encore menacée d'extinction. "Alors Zeus, craignant que notre race ne fut anéantie, envoya Hermès porter aux hommes la pudeur et la justice, pour servir de règles aux cités et unir les hommes par les liens de l'amitié".24 Zeus ici se montre "bon père", puisque, volontairement, il se départit du monopole de la politiké techné, qu'il avait pourtant si jalousement gardée dans l'acropole, pour en faire don aux hommes.

    Comment va s'opérer précisément le partage de cette politiké techné? A la manière des arts et métiers, où une seule profession cumule un savoir-faire, des techniques, des privilèges, inaccessibles au commun des hommes? "Les arts ont été partagés de manière qu'un seul homme, expert en art médical, suffise pour un grand nombre de profanes ... Dois-je répartir ainsi la justice et la pudeur parmi les hommes ou les partager entre tous?" demande Hermès à Zeus. "Entre tous, répondit Zeus; que tous y aient part, car les villes ne sauraient exister, si ces vertus étaient, comme les arts, le partage exclusif de quelques-uns".25 On sent très nettement le gauchissement qu'a subi ici le mythe de Prométhée. Le vol du feu a été réduit à un élément adventice du récit et c'est la politiké techné qui assume pour ainsi dire la fonction qu'Eschyle conférait au feu. Les deux en effet acquéraient leur prix, leur valeur grâce à la concentration monopolistique dans les mains de Zeus. Disséminer le feu, c'est disséminer aussi parmi tous, démocratiser donc, cette politiké techné, cette pratique politique, apanage jusqu'ici du seul père souverain.

    Aveugles, sourds et muets, les hommes vivaient comme des taupes, des fourmis, sous terre.26 Ils voyaient sans voir, ils écoutaient sans entendre.27 Grâce au don du feu, les hommes commencent vraiment à voir: avec les yeux de la raison. Le Prométhée d'Eschyle le rappelle à quiconque voudrait l'oublier: "des enfants qu'ils (les hommes) étaient d'abord j'ai fait des êtres raisonnables et maîtres de leur pensée".28 Raison qui est répartie également parmi les hommes. Ce partage égal du logos est en effet le postulat implicite et préalable de toute démocratie, qui n'est rien d'autre que cette foi aveugle dans une égale répartition de la raison.

    Enfin, ce logos donne à entendre à l'oreille humaine sa véritable voix, voix que les autres hommes entendent aussi et dont surtout ils comprennent le sens. Voix, comme le feu, répartie également parmi les homme de la cité. Voix qui est l'expression éloquente de cette politiké technè, plus précisément de l'iségoria, synonyme même de la démocratie grecque. "Le mot iségoria, le droit pour tous de parler à l'assemblée, était quelquefois employé par les écrivains grecs comme synonyme de la "démocratie".29 Ainsi donc, le transfert qu'opère Protagoras du feu vers la politiké techné, de la voix de la raison vers la voix du discours, témoigne de la lente, mais inexorable dérive de la démocratie: règne des voix, règne du discours.

    Filiocentrisme et patriocentrisme
    Si les trois versions de Prométhée posent le problème d'un partage, du partage équitable, le sens et la valeur de ce partage dépendront finalement du point de vue où l'on se place: du côté du destinataire ou de celui du destinateur. En effet, si l'on veut justifier les revendications démocratiques des fils, on accentuera leur misère, pour glorifier l'acte de celui qui arracha une parcelle du pouvoir paternel. Appelons cette attitude démocratique, qui épouse les aspirations des fils, du nom de filiocentrisme, parce qu'elle déplace, décentre le pouvoir central paternel unique, que nous nommons patriocentrisme, vers une multiplicité de points focaux disséminés sur la périphérie. Si le pouvoir du père est centralisateur, centripète, celui des fils est centrifuge, vise à disperser le centre vers des centres périphériques.

    Ce décentrement du pouvoir, en Grèce antique, est exprimé métaphoriquement par la belle formule, le "pouvoir est déposé au centre, en mésoi".30 Déposé, non occupé au centre; la nuance est capitale. il est donc laissé à la disposition de qui, sur la périphérie, veut le saisir. Pouvoir non pas unique, monarchique, mais multiple, démocratique. Pour pervertir la démocratie, il suffit tout simplement de saccager ou de "débaucher" ce centre de pouvoir virtuel. "Aux centres nous alimenterons la plus cynique prostitution. Nous massacrerons les révoltes logiques". 31

    Ce décentrement est très net lorsqu'on compare le Prométhée hésiodique avec celui d'Eschyle (et celui de Platon). Chez Hésiode, Prométhée apparaitcomme un farceur "aux pensées fourbes"32 qui vise à "procurer aux hommes le faible avantage d'une satisfaction gastronomique, et non pas à assurer pour eux la défense de quelque intérêt majeur".33 En effet, ce n'est qu'à la suite d'un sacrifice, où Prométhée, dans le partage des lots, avantage les hommes, ne laissant aux dieux que des os recouverts d'une couche de graisse, que Zeus retire le feu aux hommes. Donc loin d'être un exploit héroïque, le don du feu répare simplement la faute de Prométhée, qui avait privé les hommes de l'usage du feu. Très nettement patriocentrique, Hésiode ne prend pas au sérieux les aspirations démocratiques des fils, il s'en moque. Rien d'étonnant à cela, puisque la société agraire archaïque qu'il décrit exclut en principe toute velléité démocratique. En effet, la démocratie n'est pas un produit du terroir, elle est le fruit de l'homme déraciné des villes.

    Historiquement, à chaque fois qu'on a voulu empêcher un véritable essor de la démocratie, on a tenté de la faire découler du territoire, de la propriété. Au lieu de compter des voix, on compte des terres: c'est la "démocratie" censitaire.34
    Ainsi, Protagoras fait de Prométhée carrément le mythe de la polis. Et dans cette polis, les revendications des fils paraissent si naturelles, si normales que le père souverain lui-même fait cadeau de la politiké techné aux hommes. Même plus besoin d'intermédiaire, car ici l'acte de Promémthée, tout à fait inefficace, ne peut empêcher la destruction de la race humaine. Enfin, le Prométhée d'Eschyle tient la balance entre ces deux extrêmes. Zeus y est montré comme un "mauvais père", puisqu'il a l'intention de détruire lui-même les fils de la terre. Prométhée, intermédiaire, intercesseur entre ciel et terre, se sacrifie comme Jésus, en épousant la cause des fils. Le filiocentrisme du Prométhée d'Eschyle ne fait guère de doute.

    En effet, Eschyle rend compte de ce processus de démocratisation qui s'est engagé en Grèce au Ve siècle, depuis les réformes de Clisthène35 et dont finalement la tragédie grecque elle-même est le reflet. Avec le choeur, n'est-ce pas le démos qui monte sur la scène?

    Évidemment, les causes qui favorisent cette marche inéluctable des fils (démos) vers le pouvoir sont multiples; marche qui mène sans grand heurt des monarchies homériques à la démocratie: "Le roi vit peu à peu ses pouvoirs limités",36 il devient simple primus inter pares. Le bouleversement de l'infrastructure de l'économie ancienne n'est certes pas indifférent à ces changements politiques. L'urbanisation et l'accroissement du commerce extérieur font éclater le vieil idéal agraire, autarcique, de type familial, l'oikonomia, au profit de la chrématistique, "économie que rendent nécessaire la croissance même de la cité, les besoins de ravitaillement en nourriture comme en ressources financières".37

    D'autre part, sans exagérer indûment ce travail de sape systématique auquel les sophistes ont soumis le principe d'autorité (en tant que pouvoir inné et héréditaire) et la notion de loi (comme principe fixé une fois pour toutes et valable pour tous les hommes), on n'est pas en droit de le négliger complètement.38 Citons seulement l'exemple cocasse, mais bien révélateur des Nuées d'Aristophane. Strepsiade envoie son fils chez Socrate (le sophiste par excellence), pour qu'il apprenne à défendre les mauvaises causes et comment se soustraire au paiement des taxes et des dettes. De retour de son stage socratique, il prouve qu'il a parfaitement assimilé l'enseignement de son maître. Il se tourne contre son père et le bat. "Tu bats ton père et je prouverai, par Zeus, que j'avais raison de te battre".39 On l'aura compris, ce n'est pas une bastonnade banale qu'un fils fait subir à son père. Le fils la revendique, la justifie en droit, en invoquant - comble d'impertinence l'autorité du père suprême. À son père qui proteste, qui cite cette loi archaïque demandant le respect des fils pour le père, le fils oppose l'idée de la relativité des lois, idée "moderne", démocratique, selon laquelle les fils sont leur propre loi. "Mais nulle part la loi ne permet de traiter ainsi son père. - N'était-il pas un homme comme toi et moi, et n'est-ce pas par la parole qu'il persuadait les anciens? Serait-il donc moins permis à moi d'établir également pour l'avenir une loi nouvelle d'après laquelle les fils pourront battre leurs pères à leur tour ? "40

    Le roi Adam et le fils Rousseau
    Un beau matin, chez un peuple fort doux, un homme et une femme superbes criaient sur la place publique: "Mes amis, je veux qu'elle soit reine!" "Je veux être reine!"
    A. Rimbaud, "Royauté", Illuminations.

    Je n'ai rien dit du roi Adam, ni de l'empereur Noé ...
    J.-J. Rousseau, Du contrat social.

    Quel sophiste moderne a enseigné à Rousseau le mépris de l'autorité souveraine du père? Un certain John Locke. Le premier parmi les modernes, il a tenté de couper les liens solides que les monarchies et leurs avocats avaient tissés entre le pouvoir procréateur et le pouvoir politique. Locke combat en effet cette thèse des monarchistes, devenue un cliché, que Dieu, en créant Adam, l'a doté d'un pouvoir royal qui lui revient à titre de père procréateur de la race humaine. Avec beaucoup d'ironie, Locke montre que, poussée jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'à l'absurde, cette thèse royaliste, loin de favoriser l'idée de la souveraineté absolue du père, milite plutôt inconsciemment pour le pouvoir disséminé de la démocratie. "If paternity gives royal authority, then everyone, that has paternal power, has royal authority, and then (...) there will be as many kings, as there are fathers".41 Et un peu plus loin, "If there be more than one heir of Adam every one is his heir, and so every one has regal power".42 Mais ne sent-on pas poindre, sous l'ironie froide de Locke, ce désir inavouable, rendu à la la fois possible et absurde en démocratie: nous sommes tous des rois?

    Même si l'on se place dans la perspective royaliste, et si l'on veut éviter les apories qu'elle entraîne, il faut disconnecter le pouvoir procréateur du pouvoir politique. À cet effet, Locke a simplement à prouver que le pouvoir paternel n'est pas "aliénable", qu'il ne se délègue pas et donc qu'il limite son pouvoir à la seule relation individuelle père-fils. "A father cannot alien the power lie has over his child".43 Autrement dit, Locke conteste la paternité comme modèle général et homologable du Pouvoir. "For paternal power, being a natural right, rising only from the relation of father and son, is as impossible to be inherited, as the relation itself ".44

    Il va sans dire qu'il n'est pas dans les intentions de Locke de venir à la rescousse de la thèse royaliste chancelante. Son but est plutôt de libérer le pouvoir politique des fils du joug écrasant du pouvoir procréateur du père. Le rôle du père se réduit dorénavant à celui du seul procréateur, car il perd tout pouvoir en tant que droit naturel sur le fils.
    Ce renversement du rapport entre père et fils, resté implicite chez Locke, sera explicité chez Rousseau dès son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Rousseau affirme qu'une fois terminé le rôle procréateur et nourricier du père, son fils, maintenant indépendant, devient un égal sur lequel il n'a plus aucun droit et aucun pouvoir. "Que par la Loi de la Nature le Père n'est le maître de l'Enfant qu'aussi longtemps que son secours lui est nécessaire, qu'au-delà de ce terme ils deviennent égaux, et qu'alors le fils, parfaitement indépendant du Père, ne lui doit que du respect, et non de l'obéissance; car la reconnaissance est bien un devoir qu'il faut rendre, mais non un droit qu'on puisse exiger".45

    Dans cette logique, si le père n'a plus de pouvoir sur le fils, le pouvoir paternel a cessé d'être le modèle régulateur de la société. Cette société ainsi débarrassée du pouvoir du père, par l'assemblée de ses fils, peut alors créer son père ou plutôt ses pères. "Au lieu de dire que la Société civile dérive du pouvoir Paternel, il fallait dire au contraire que c'est d'elle que ce pouvoir tire sa principale force: un individu ne fut reconnu pour le Père de plusieurs que quand ils restèrent assemblés autour de lui".46 Le mythe démocratique est en place maintenant. Au début n'est donc pas le Père, mais l'assemblée des Fils, qui n'ont même plus besoin d'avoir recours au meurtre, puisque politiquement le père n'a plus de pouvoir. Ils sont donc libres de (pro)créer ce nouveau père politique.

    De la dissémination à l'insémination artificielle
    Le problème de ces fils est l'inverse de celui de Prométhée: comment rassembler, concentrer ce feu, ce pouvoir disséminé? Par l'union de tous leurs membres, les fils (pro)créent ce nouveau corps politique, ce nouveau père, dont ils supportent allègrement la souveraineté tyrannique, puisque, complices, ils ont tous participé à cette union, dont ils revendiquent fièrement la paternité. "L'État ou la cité n'est qu'une personne morale dont la vie consiste dans l'union de ses membres"47 ... " Par le pacte social nous (les fils) avons donné l'existence et la vie au corps politique . . ., l'acte primitif par lequel le corps se forme et s'unit ne détermine rien encore de ce qu'il doit faire pour se conserver".48 Acte primitif qui, après l'union des membres, provoque la gestation et la formation d'un corps plus fort, plus puissant que tous les membres séparés. Union légitime, puisqu'elle se fait "sous contrat", entre égaux. "Ce n'est pas une convention du supérieur avec l'inférieur, mais une convention du corps avec chacun de ses membres: convention légitime ... "49

    Acte contre nature, qui inverse complètement le processus naturel de la procréation: des fils qui engendrent leur père. Cette inversion se doublerait-elle d'une monstruosité: celle de se faire sans le concours d'une mère? Ou en dehors du ventre maternel? N'avons-nous pas déjà vu que Pandore, la première femme démocratique, fut créée en réponse à l'acte disséminant de Prométhée. Ce feu ainsi disséminé, les fils le font converger vers le ventre de Pandore, cette boîte de Pandore, devenue boîte de scrutin, dans laquelle, en une nuit, se fait la conception, la gestation et la naissance du nouveau père électif.

    Hypothèse osée? Il suffit d'étudier le rituel de l'élection pour la trouver peut-être déjà plus fondée. Une psychanalyse de l'acte de scrutin montre qu'il s'entoure des mêmes tabous que l'acte sexuel. Acte public, mais qui se fait réellement en cachette, dans l'intimité, à la dérobée du regard d'autrui. Pourquoi avoir choisi comme récipient des bulletins de vote une boîte, munie d'une fente à travers laquelle ces bulletins doivent glisser? Bien sûr, on pourra toujours invoquer des raisons d'efficacité pratique. De même que pour certains hellénistes le feu de Prométhée ne fut que du feu, de même pour les démocrates pudibonds, la boîte de scrutin ne sera qu'une simple boîte.
    C'est cette complicité, qui rassemble les fils dans l'acte fondateur qu'est l'élection, qui fait qu'ils se soumettent à ce nouveau père. Mais ne nous laissons pas tromper par les apparences! Les fils ne s'abaissent pas devant leur nouvelle créature, leur père électif, puisque, après tout, sans autorité propre, il est échangeable, amovible à souhait. Ils ne rendent en dernière analyse hommage qu'au seul principe d'autorité, au seul roi qu'ils sont eux-mêmes en masse: la majorité. Alexis de Tocqueville, qui connut aussi bien l'Ancien Régime royaliste que la nouvelle démocratie, a très bien vu ce transfert du pouvoir de la royauté vers la majorité démocratique: Les Français, sous l'ancienne monarchie, tenaient pour constant que le roi ne pouvait jamais faillir; et quand il lui arrivait de faire mal, ils pensaient que la faute en était à ses conseillers. Ceci facilitait merveilleusement l'obéissance. On pouvait murmurer contre la loi, sans cesser d'aimer et de respecter le législateur. Les Américains ont la même opinion de la majorité.50

    Encore dans son coeur nettement patriocentrique, malgré les efforts honnêtes qu'il fait pour comprendre les aspirations démocratiques des fils, Alexis de Tocqueville assimile ce régime aveugle de la majorité à une tyrannie pure et simple: "Qu'est-ce donc qu'une majorité prise collectivement, sinon un individu qui a des opinions et le plus souvent des intérêts contraires à un autre individu qu'on nomme la minorité? Or, si vous admettez qu'un homme revêtu de la toute-puissance peut en abuser contre ses adversaires, pourquoi n'admettez-vous pas la même chose pour une majorité? Les hommes en se réunissant, ont-ils changé de caractère? Sont-ils devenus plus patients dans les obstacles en devenant plus forts? Pour moi, je ne saurais le croire; et le pouvoir de tout faire, que je refuse à un seul de mes semblables, je ne l'accorderai jamais à plusieurs".51

    Pour nous, les verdicts de la majorité ont quelque chose de péremptoirement infaillible comme les décrets du roi et les bulles du pape du Moyen Âge. Paradoxalement, le Moyen Age ne connaissait pas la tyrannie de la majorité. Non pas parce qu'il aurait ignoré, comme on le croirait facilement, la procédure démocratique des élections; elles sont largement répandues au niveau des corporations et des municipalités. L'historien du droit corporatif du Moyen Âge nous dit que la simple opposition d'une minorité au verdict de la majorité pouvait empêcher cette dernière de se constituer en "volonté générale".52 Souveraineté tyrannique de la "volonté générale", qu'est-elle d'autre que l'expression du désir inconscient du fils Rousseau d'être roi ... parmi d'autres.


    Notes
    1 Nous reprenons et continuons une réflexion commencée dans "Prométhée ou la démesure au singulier et au pluriel", Critère II.
    2 On savait donc bien avant la Révolution française que l'"égalité" et la "fraternité" forment deux couples indissociables.
    3 "Sie (die sozialen Brudergefühle) schaffen sich Ausdruck in der Heiligung des gemeinsamen Blutes, in der Betonung der Solidarität aller Leben desselben Clan. Indem die Brüder sich einander so das Leben zusichern, sprechen sie aus, dass niemand von ihnen vom andern behandelt werden dürfe, wie der Vater von ihnen allen gemeinsam", FREUD, Totem und Tabu, Gesammelte Werke, t. IX. S, Fisher, p. 176.
    4 Ibid., p. 179.
    5 Une étude plus récente de P. CLASTRES, La société contre l'État, Éd. de Minuit, 1974, montre que dans les sociétés primitives le pouvoir du chef, loin d'être absolu, est tempéré par le droit de regard des membres du clan.
    6 FREUD, op. cit., p. 186.
    7Ibid., p. 186.
    8 ESCHYLE, Prométhée enchaîné, traduction J. Guillon, Hatier, 1966, p. 21.
    9 Ibid., p. 16.
    10 Ibid., p. 18.
    11 Voir notamment J. G. FRAZER, Mythes sur l'origine du feu, Petite bibliothèque Payot, p. 53.
    12 BACHELARD, G., La psychanalyse du feu, NRF "Idées", p. 47, Nous soulignons.
    13 Il cite, entre autres, les mathématiques, l'astronomie, la navigation, l'agriculture, la métallurgie.
    14 ESCHYLE, op. cit., p. 34.
    15 Cit. d'après la traduction de Jean Voilquin, in Les penseurs grecs avant Socrate, Garnier-Flammarion. Jean-Pierre VERNANT insiste au contraire, il est vrai, dans son analyse du mythe hésiodique, sur le fossé que creuse le larcin du feu entre l'homme et la bestialité. "Pour toute une tradition mythique (Eschyle, Prométhée enchaîné; Platon, Protagoras), le feu que vole Prométhée pour le donner aux hommes creuse moins une distance entre le ciel et la terre qu'il n'arrache l'humanité à la bestialité primitive". Mythe et société en Grèce ancienne, Maspéro, 1974, p. 192.
    16 Création non ex nihilo, comme dans la tradition chrétienne, mais démiurgique, à partir d'une matière donnée.
    17 ESCHYLE, op. cit., p. 24,
    18 Voir l'admirable explication que J.-P. VERNANT donne de tous les niveaux, actantiel, sémantique et culturel du mythe de Prométhée chez Hésiode dans "Le mythe prométhéen chez Hésiode", op. cit., p. 177 à 194.
    19 Voir pour l'isonomia, W. JAEGER, Paidea, Gallimard, 1964, p. 137 et sq. et surtout "L'antiquité de ce désir de droits égaux devant le juge ou devant la loi pourrait justifier l'hypothèse selon laquelle l'idéal d'isonomia (auquel il n'est fait communément appel qu'au Ve siècle et qui signifie égalité démocratique) est plus ancien que ne peuvent le prouver nos documents insuffisants, et qu'à l'origine le mot avait le "sens d'égalité devant la loi". Note 20, p. 510.
    20 "Ses idées (celles de Protagoras) nous sont connues par les attaques que Platon dirige contre lui dans un de ses premiers dialogues, le Protagoras, dans lequel Socrate utilise moqueries, parodies, voire tricheries, à un degré tout à fait rare dans le corpus platonicien. Platon choisit-il ce ton, on se le demande, précisément parce que Protagoras non seulement professait les doctrines morales caractéristiques des sophistes, mais aussi développait une théorie politique démocratique." Moses I. FINLEY, Démocratie antique et démocratie moderne, Petite bibliothèque Payot, no. 271, p. 79.
    21 Traduction Emile Chambry, Garnier-Flammarion, p. 53. (Nous soulignons).
    22 Voir Pierre VIDAL-NAQUET, "Tradition de la démocratie grecque", préface de Moses I. FINLEY, op. cit., p. 42 et sq. et ibid., p. 79-80.
    23 Op. cit., p. 53.
    24 Idem.
    25 Ibid., p. 53-54. (Nous soulignons).
    26 "Ils habitent sous terre, comme des fourmis chétives, dans le fond de sombres cavernes", ESCHYLE, op. cit., p. 32; voir aussi Protagoras, "le jour fixé approchait où il fallait l'amener (l'homme) du sein de la terre à la lumière", loc. cit., p. 53.
    27 ESCHYLE, op. cit., p. 32.
    28 Idem.
    29 M. I. FINLEY, op. cit., p. 67.
    30 "Dans une cité qui s'inspire de l'idéal d'isonomia, le pouvoir et l'autorité se trouvent, pour reprendre l'expression grecque, déposés au centre, en mésoi et non plus confisqués au profit d'une personne particulière comme le roi ou d'une minorité privilégiée de citoyens." J. P. VERNANT, op. cit., p. 95.
    31 A. RiMBAUD, "Démocratie", in Illuminations, éd. Garnier, p. 307.
    32 Théogonie, v. 565.
    33 Louis SÉCHAN, Le mythe de Prométhée, PUF, 1951, p. 27.
    34 Voir là-dessus le beau texte d'ARISTOTE: "Le raisonnement rend donc évident, semble-t-il, que la souveraineté d'une minorité ou d'une majorité n'est qu'un accident, propre soit aux oligarchies soit aux démocraties, dû au fait que partout les riches sont en minorité et les pauvres en majorité. Aussi ... la différence réelle qui sépare entre elles démocratie et oligarchie, c'est la pauvreté et la richesse; et nécessairement, un régime où les dirigeants, qu'ils soient minoritaires ou majoritaires, exercent le pouvoir grâce à leur richesse est une oligarchie, et celui où les pauvres gouvernent, une démocratie." Politique 111, 1279b34 à 128Oa4, trad. Aubonnet. Voir aussi J. P. VERNANT, "La lutte des classes", in op. cit., p. 26-27; pour la démocratie moderne, le Discours de MIRABEAU du 18 mai 1789, édition "Folio", p. 28 à 34.
    35 HIGNETT, A History of the Athenian Constitution, Oxferd, 1952; P. CLOCUÉ, La démocratie athénienne, PUF; J. HATZFELD, Histoire de la Grèce ancienne, chap, 1.
    36 J. DE ROMILLY, Problème de la démocratie grecque, Hermann, 1975, p. 1.
    37 J.-P. VERNANT, op. cit., p. 19.
    38 J. DE ROMILLY en effet pense qu'on a trop exagéré la responsabilité des sophistes dans la crise morale d'Athènes; op. cit., p. 88; et du même auteur, La loi dans la pensée grecque, des origines à Aristote, Paris, 1971, ch. IV et V.
    39 Nuées, vers 116-118.
    40 Ibid., vers 1420-1425.
    41 Of civil gouvernment, Works of John Locke, 4e éd., Londres, 1740, p. 136.
    42 Ibid., p. 149.
    43 Ibid., p. 147.
    44 Of Civil gouvernment, p. 147.
    45 Discours, NRF "Idées", pp. 111-112.
    46 Ibid., p. 112.
    47 Du contrat social, Garnier-Flammarion, p. 67.
    48 Ibid., p. 73. (Nous soulignons).
    49 Ibid., p. 70.
    50 De la démocratie en Amérique, NRF, "Idées", p. 141.
    51 Ibid., p. 145-146.
    52 "Widersprach eine durch Stellung und Zahl bedeutende Minderheit, so konnte dadurch das Zustandekommen eines Gesamtwillens überkaupt gehindert werden". Otto von GIERKE, Das Deutsche Genossenschaftsrecht, 1873, t. II, p. 480. (Nous soulignons).

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