Portrait de F.-X. Garneau

Pierre-Joseph-Olivier Chauveau

Intègre, laborieux, économe dans une juste mesure, homme d'intérieur et d'habitudes régulières, modeste mais fier d'une juste et noble fierté; timide en apparence, mais au besoin courageux; doux et confiant d'ordinaire, mais sur certains sujets, très ferme et presque opiniâtre; doué d'un grand talent littéraire et en même temps d'aptitudes pour les affaires, menant de front patiemment et au prix de combats intérieurs dont seul peut-être il pouvait se rendre compte, menant de front, dis-je, des études incessantes de la plus haute portée et un travail assidu d'une nature bien prosaïque; M. Garneau était un homme d'autant plus complet qu'il y avait en lui plus de contrastes, plus d'heureuses antithèses.

Ceux qui ne le connaissaient que par ses ouvrages devaient éprouver quelque désappointement en le voyant pour la première fois. Une certaine hésitation nerveuse, un certain embarras qui n'était pourtant point de la gaucherie et qui n'excluait point une irréprochable urbanité, faisaient que l'on se demandait si c'était bien là l'intrépide défenseur de la nationalité franco-canadienne. Mais dès que, sous son front dénudé, son intelligente figure s'éclairait des reflets de la pensée, dès qu'il s'animait à parler de quelque sujet favori, on reconnaissait l'homme supérieur, et, ce qui est mieux encore, l'homme convaincu qui s'est dévoué à la réalisation d'un noble sujet. Dans ses portraits, sa physionomie pensive, empreinte d'une douce et modeste gravité, fait aussi la même impression. Quoiqu'il fût, d'habitude, plutôt sérieux qu'enjoué, il savait rire avec ses amis d'un bon petit rire plein de bonhomie et de franchise. S'il n'aimait pas les réunions du grand monde, les soirées à prétentions et les dîners fastueux, il se rendait volontiers aux réunions intimes, aux petites parties de cartes, aux réceptions improvisées si fréquentes et si agréables dans la bonne vieille ville de Québec. Ses études, toutefois, ne lui permettaient que rarement ces innocentes distractions. Le temps qui lui restait, ses devoirs officiels accomplis, - et il les remplissait avec exactitude - était consacré d'abord à sa grande œuvre à laquelle, comme on l'a vu, il ne cessa jamais de travailler, à sa correspondance littéraire très étendue et à la lecture de ses auteurs favoris. Nous connaissons ceux de sa jeunesse; dans ses dernières années, c'était surtout Tacite, qu'il lisait dans une excellente traduction, et Thierry, qu'il aimait tant à citer. Quelques promenades sur la terrasse, autour des remparts de la ville, ou bien sur le chemin de Sainte-Foy, quelques visites aux bibliothèques et aux salles de lecture de la Société littéraire et historique, de l'Institut canadien, de l'Université ou du Parlement - rendez-vous des lettrés avec qui il aimait à causer - complétaient sa journée. Assez souvent, surtout dans les dernières années de sa vie, ces promenades se terminaient par une visite à la vieille et historique cathédrale de Notre-Dame, où l'on pouvait l'entrevoir dans la pénombre des nefs les moins fréquentées, incliné dans l'attitude de la plus humble et de la plus ardente prière.

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